Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/241

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parc, et fûmes bien reçus par ceux qui les habitaient ; ils se mirent tout de suite à causer avec nous et regardèrent avec un étonnement que, par politesse, ils dissimulaient à demi, mon étrange figure. Outre ces oiseaux de passage et quelques habitants ordinaires du lieu, nous vîmes dehors, sur les pelouses près du jardin, en bas de la « grande pièce d’eau », comme on l’appelait autrefois, un grand nombre de tentes gaies, avec des hommes, des femmes et des enfants tout autour. À ce qu’il paraît, ces gens, amoureux de plaisir, aimaient la vie sous la tente, avec tous ses inconvénients, qu’ils savaient aussi transformer en plaisir.

Nous quittâmes cette vieille connaissance au moment fixé, et je fis mine de vouloir prendre les avirons ; mais Dick me repoussa, ce que je ne regrettai guère, je dois dire, car je me trouvais bien assez occupé, partagé entre la jouissance du temps magnifique et mes propres pensées paresseusement confuses.

Quant à Dick, il était très juste de le laisser ramer, car il était fort comme un cheval et prenait grand plaisir aux exercices physiques quels qu’ils fussent. Nous eûmes quelque peine à le faire arrêter, lorsqu’il faisait déjà presque nuit, et la lune brillait lorsque nous arrivâmes à la hauteur de Runnymede. Nous abordâmes alors et nous cherchions un endroit où planter nos tentes (car nous en avions pris deux avec nous), lorsqu’un vieillard vint vers nous, nous souhaita le bonsoir et nous demanda si nous étions logés pour la nuit, et, comme nous ne l’étions