Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/272

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(ce qui, je pense, allait de soi), en sorte que nous dûmes lui dire qu’il fallait qu’il s’en allât, ou que l’inévitable envoi à Coventry[1] s’ensuivrait ; car son tourment personnel le dominait tellement que nous sentions que nous devrions partir, s’il ne le faisait pas.

Il accepta la chose mieux que nous ne l’espérions, lorsque je ne sais quoi, — une rencontre avec la jeune fille, je suppose, et quelques paroles vives avec l’amant heureux, survenu aussitôt après, — il perdit tout à fait son équilibre ; il saisit une hache et tomba sur son rival, alors que personne n’était là ; dans la lutte qui suivit, l’homme attaqué lui asséna un coup malheureux et le tua. Et maintenant le meurtrier à son tour est tellement bouleversé qu’il est capable de se tuer ; et, s’il le fait, la jeune fille en fera autant, j’en ai peur. Et à tout cela nous ne pouvons rien, pas plus qu’au tremblement de terre d’il y a deux ans.

— C’est très malheureux, dit Dick ; mais puisque l’homme est mort et ne peut être ramené à la vie, et que le meurtrier n’a pas agi par méchanceté, je ne peux pas comprendre pourquoi il ne s’en consolerait pas avant peu. D’ailleurs, la mort a bien choisi. Pourquoi un homme se laisserait-il obséder par un pur accident ? Et la jeune fille ?

— Toute cette histoire, dit Walter, semble l’avoir remplie d’effroi plus que de douleur. Ce

  1. Envoyer à Coventry, expression qui rappelle un épisode de la guerre des Parlementaires contre Charles I, équivaut à peu près à « mettre en quarantaine ».