Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/286

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des autres ne faisait grande attention à nous.

La femme en bleu posa la main sur l’épaule du sculpteur et dit :

— Voyons, Philippa, si vous abattez de l’ouvrage comme cela, vous n’aurez bientôt plus rien à faire ; et alors, qu’est-ce que vous deviendrez ?

Le sculpteur se retourna vivement, et nous montra le visage d’une femme de quarante ans (du moins elle les paraissait), et dit avec quelque humeur, mais d’une voix douce :

— Ne dites pas de sottises, Kate, et ne m’interrompez pas, si vous pouvez !

Elle s’arrêta court à notre vue, puis reprit avec l’aimable sourire de bienvenue que nous rencontrions toujours :

— Merci de votre visite, voisins ; mais je suis sûre que vous ne me trouverez pas désobligeante si je continue mon travail ; car je vous dirai que j’ai été malade et incapable de rien faire en avril et mai ; et ce plein air, le soleil et le travail tout ensemble, et aussi de me sentir bien de nouveau, tout cela fait pour moi de chaque heure un vrai délice ; excusez-moi, il faut que je continue.

Elle se remit donc à sculpter en bas-relief des fleurs et des figures, mais elle causait entre les coups de maillets :

— Voyez-vous, nous pensons tous que ceci est le plus joli emplacement pour une maison dans cette partie de la rivière ; et l’endroit a été si longtemps encombré d’une bâtisse indigne, que nous autres maçons avons décidé