Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est vrai, dis-je. D’ailleurs, je n’ai lu aucun livre sur la Tamise ; c’était une des menues absurdités de notre temps, que personne ne trouvait à propos d’écrire un livre convenable sur ce qu’on pourrait bien appeler notre unique fleuve anglais.

Ces mots n’étaient pas plus tôt sortis de ma bouche, que je vis que j’avais fait une nouvelle faute ; et j’étais véritablement contrarié, car je ne désirais pas entrer dans de longues explications pour le moment, ni commencer une nouvelle série de mensonges. Ellen parut s’en apercevoir, et ne prit pas avantage de ma maladresse ; son regard perçant se fit franchement cordial, et elle dit :

— Eh bien, au moins, je suis heureuse de parcourir ce fleuve avec vous, puisque vous le connaissez si bien, et que je ne le connais guère au delà de Pangbourne ; vous pourrez me dire tout ce que je voudrai savoir.

Elle s’arrêta un instant, puis elle dit :

— Mais vous devez comprendre que, la partie que je connais, je la connais aussi complètement que vous-même. Je serais fâchée que vous me croyiez insoucieuse d’une chose aussi belle et aussi intéressante que la Tamise.

Elle dit cela très sérieusement, et avec un air de prière affectueuse qui me fit grand plaisir ; mais je pus voir qu’elle réservait ses soupçons pour une autre fois.

Bientôt nous arrivâmes à l’écluse de Day, où Dick et les deux autres nous avaient attendus. Il voulait me faire aborder, pour me montrer