Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/344

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maison près du gué ; mais en tournant le coin qui conduisait aux restes de la croix du village, je me trouvai devant une personne qui contrastait étrangement avec les gens joyeux et beaux que j’avais laissés derrière moi dans l’église. C’était un homme qui paraissait vieux, mais je savais reconnaître, par une habitude maintenant à demi oubliée, qu’il n’avait pas, en réalité, beaucoup plus de cinquante ans. Sa figure était rugueuse et barbouillée plutôt que sale ; ses yeux, mornes et chassieux ; le corps courbé, les mollets maigres et fuselés, les pieds traînants et lourds. Ses vêtements étaient un mélange de saleté et de haillons que je ne connaissais que trop depuis longtemps. Lorsque je passai devant lui, il toucha son chapeau avec quelque politesse réellement bienveillante et beaucoup de servilité.

Avec une inexprimable répulsion, je me hâtai derrière lui, et courus le long de la route qui menait au fleuve et au bas du village ; tout à coup, je vis pour ainsi dire un nuage noir venir à moi en se déroulant, comme un cauchemar de mon enfance ; et pendant un moment je n’eus conscience de rien, que d’être dans l’obscurité ; étais-je debout, assis ou couché, je n’aurais pu le dire.

J’étais dans mon lit, chez moi, dans le triste Hammersmith, et je pensais à tout cela ; et j’essayais de me rendre compte si j’étais accablé