Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/62

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que voici voudrait du tabac et une pipe ; pouvez-vous les lui donner ?

— Oh oui, certainement, dit la fillette avec une sorte d’agilité modeste qui était amusante. Le garçon leva les yeux et se mit à regarder mon costume étranger, mais aussitôt rougit et tourna la tête, comme s’il avait conscience qu’il ne se conduisait pas bien.

— Cher voisin, dit la fillette, avec la physionomie la plus solennelle d’un enfant qui joue à tenir boutique, quel tabac est-ce que vous désirez ?

— Du Latakié, dis-je, avec l’impression d’assister à un jeu d’enfant, et me demandant si j’aurais autre chose qu’une illusion.

Mais la fillette prit un délicieux petit panier sur un rayon derrière elle, alla à un bocal, d’où elle sortit une masse de tabac, et posa le panier plein devant moi, sur le comptoir, et je pus à la fois sentir et voir que c’était d’excellent Latakié.

— Mais vous ne l’avez pas pesé, dis-je, et… et qu’est-ce que je vais en prendre ?

— Oh, dit-elle, je vous conseille de bourrer votre blague, car vous pouvez aller dans des endroits où on ne trouve pas de Latakié. Où est votre blague ?

Je me fouillai de tous côtés, et enfin sortis mon morceau de coton imprimé qui remplit pour moi l’office de sac à tabac. Mais la fillette le regarda avec quelque dédain, et dit :

— Cher voisin, je peux vous donner quelque chose de bien mieux que ce chiffon de coton.