Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/65

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— Voisins, dit la fillette, qui parlait seule, — son frère étant évidemment très timide, — je vous prie de boire un verre pour nous avant de partir, car nous n’avons pas tous les jours des Hôtes tels que vous.

Là-dessus le garçon posa le plateau sur le comptoir et solennellement versa un vin couleur paille dans les flutes. Sans hésiter, je bus, car la chaude journée me donnait soif ; et je pensai que j’étais encore de ce monde, et que les raisins du Rhin n’avaient pas perdu leur bouquet, car si je bus jamais de bon Steinberg, ce fut bien ce matin-là ; mentalement je pris note de demander à Dick comment on s’y prenait pour fabriquer de bon vin, puisqu’il n’y avait plus d’ouvriers contraints à boire du tord-boyaux au lieu du bon vin qu’eux-mêmes fabriquent.

— Ne boirez-vous pas un verre pour nous, chers petits voisins ? demandai-je.

— Je ne bois pas de vin, dit la fillette, je préfère la limonade ; mais, à votre santé !

— Et moi, j’aime mieux la bière au gingembre, dit le petit garçon.

Bon, bon, pensai-je, les goûts des enfants n’ont pas beaucoup changé. Et là-dessus nous leur souhaitâmes le bonjour et sortîmes de la boutique.

Je fus désappointé, comme d’une transformation dans un rêve, de voir un grand vieillard qui tenait notre cheval à la place de la belle femme. Il nous expliqua que la jeune fille n’avait pu attendre, et qu’il avait pris sa place ; et il nous cligna de l’œil et se mit à rire en voyant