Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/96

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plutôt que notre manière de les envisager a changé, à mesure que nous avons changé dans les deux cents dernières années. Nous ne nous abusons pas, et nous ne croyons pas pouvoir nous débarrasser de tous les soucis qui sont inhérents aux relations entre les sexes. Nous savons qu’il nous faut affronter le malheur provenant de la confusion, par l’homme et par la femme, entre la passion naturelle, le sentiment et l’amitié, qui, lorsque tout va bien, adoucit le réveil des illusions passagères ; mais nous ne sommes pas assez fous pour ajouter l’avilissement à ce malheur, en nous engageant dans de sordides querelles sur les moyens d’existence et la position, et sur le droit de tyranniser les enfants qui ont été les résultats de l’amour ou du plaisir.

Il s’arrêta encore et reprit :

— L’amour en coup de foudre, que l’on prend pour un héroïsme qui durera toute la vie, et bientôt s’évanouit en déception ; l’inexplicable désir qui saisit un homme d’âge plus mûr, d’être tout pour quelque femme, dont il a idéalisé le vulgaire charme humain et la beauté humaine jusqu’à une perfection surhumaine, et dont il a fait l’unique objet de son désir ; ou enfin le vœu raisonnable d’un homme fort et réfléchi de devenir l’ami le plus intime d’une femme belle et sage, le vrai type de la beauté et de la gloire du monde que nous aimons tant,… tous ces sentiments enfin, de même que nous goûtons tout le plaisir et l’exaltation d’esprit qui les accompagnent, nous nous résignons à supporter