Page:Willy - La Maîtresse du prince Jean.djvu/170

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— Dérision lugubre, disais-je. À trois ans, j’avais encore des mœurs chastes, et on pouvait, sans rien craindre pour mon honneur, me confier à une adolescente souillon, appelée Savonnette, qui m’emmenait bredi-breda (dahin !) vers le Pré-Catelan. Fréquemment elle y rencontrait un vieux monsieur cossu, décoré, à l’air respectable, aux favoris blancs et diplomatiques. Et, tandis, que, vautré sur les pelouses, j’ingurgitais béatement de l’herbe, des feuilles mortes, de la terre et tous autres comestibles de ce genre, Savonnette, assise derrière quelque arbuste discret, roulait des yeux de pouliche heureuse et fringuait des lombes, en dévorant des sucreries que le vieux monsieur décoré lui refilait généreusement. Cinq années se passèrent ainsi : le vieux monsieur devenait un peu plus vieux, mais il demeurait décoré et décoratif ; Savonnette conservait son air de souillon jeunette expédiée la veille d’une province lointaine ; moi, je continuais à manger de la terre, des feuilles mortes et de l’herbe, avec ce raffinement, pourtant, que je transformais préalablement la terre en