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Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/106

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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Je lui fis face ; instantanément, il tendit les deux mains vers moi. Dans l’une, il tenait une bougie d’allumage brisée ; dans l’autre, un billet d’un dollar. Je lui donnai une bougie neuve, tout en faisant signe que je ne voulais pas son argent ; il l’empocha et m’indiqua de l’index une autre bougie neuve sur un banc. Je secouai la tête négativement. Il fronça les sourcils en me regardant d’un air de reproche, comme pour dire : « Tu m’en as donné une ; pourquoi pas deux ? » Je me détournai pour allumer une cigarette et avant que l’allumette fut éteinte, l’Indien avait disparu, aussi silencieusement qu’il était venu.

Le mois de septembre arriva, dans sa livrée magnifique et escorté de ses bataillons de canards et d’oies sauvages qui s’en allaient vers le sud, loin du dur hiver des terres septentrionales. Les ours gras et satisfaits sous leur fourrure, grognaient de contentement au souvenir de leurs festins de bleuets et parcouraient la forêt sans se presser. Par milliers, les perdrix émergèrent du sous-bois humide et commencèrent leur promenade sur la route Saint-Félicien-Chibougamau, à la recherche des chauds rayons du soleil. (On pouvait les approcher jusqu’à quelques pieds, tellement elles s’étaient habituées aux hommes et aux automobiles).

Les orignaux se multipliaient dans la réserve de gibier de Chibougamau, qui était constamment patrouillée par des gardes-chasse vigilants. Bientôt, ces nobles élans d’Amérique, ces rois de la forêt canadienne s’éloigneraient de la réserve protectrice, à la recherche de nouvelles zones nourricières ; bientôt aussi les géants se feraient tuer par des chasseurs. La dernière vision de la plupart des orignaux du Chibougamau, c’est celle d’un être humain, dyspeptique et vêtu d’un costume aux couleurs brillantes pointant vers eux un bâton d’acier creux et long.