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Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/120

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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

corps était couverte de longs poils noirs ; sa main et son pied gauches portaient des griffes d’ours. La moitié de sa face, de son nez et de ses oreilles étaient garnis de ces poils noirs et sa peau avait la consistance du caoutchouc. Je rencontrai cet être bizarre vingt ans plus tard, lorsqu’il fut devenu pleinement adulte : il était grand, de musculature puissante et je remarquai qu’il portait toujours une mitaine sur sa main gauche. Son intelligence était celle d’un Indien normal et ses congénères le traitaient avec beaucoup de crainte et de respect.

« Un jour, on me demanda de soigner un Indien dont la jambe avait été dangereusement mutilée par un ours. Elle était noire jusqu’au genou, et en voie de putréfaction ; l’odeur qu’elle dégageait était atroce. Le cas me parut désespéré. Je donnai au patient des tablettes de morphine, que je transportais dans ma petite pharmacie, puis je me mis à tailler, au moyen d’un rasoir que j’avais stérilisé tant bien que mal, de longues bandes de chair pourrie.

« J’avais une bonne provision d’acide carbolique, de teinture d’iode et d’onguents, avec lesquels je traitai mon homme durant plusieurs semaines ; si bien qu’il guérit parfaitement ! Le printemps suivant, il me présenta une magnifique peau de loutre, symbole de sa reconnaissance.

« Nous quittâmes le Mistassini, pour nous rendre à Saint-Félicien, franchissant les deux cents milles en six jours, ce qui était un record pour cette époque sans moteurs. Les courants étaient favorables, les vents constamment dans la bonne direction, et nous avions utilisé des voiles sur tous les cours d’eau. Quelques semaines plus tard, mon père, mon frère Herbert et moi retournâmes au Chibougamau avec M. Obalski, le géologue du gouvernement qui voulait examiner de près nos découvertes minéralogiques de l’année précédente.