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Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/155

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LE VIEUX MOULIN

le regarder, pour me précipiter au galop sur le téléphone et dire à mon courtier de vendre toutes mes actions. Il était temps ! Cet après-midi-là, le stock dégringola verticalement. J’avais observé, le matin, que le promoteur ne fumait pas le cigare, pas même la pipe, pas même une cigarette : Il chiquait du tabac !

Un autre promoteur classique si je puis dire : chapeau melon, guêtres et gants beurre frais, tenta un jour de me faire participer à un « coup » minier. Sa façon de procéder était merveilleuse à force d’effronterie. Il avait appris mon faible pour le scotch Dewar « Nec Plus Ultra » et pour les cigares Partagas. Lorsque j’entrai dans son bureau, ce whisky ambré brillait sur son pupitre, et ces cigares « craquants » étaient installés dans l’humidificateur.

Tandis que je sirotais et que je fumais, le promoteur faisait fonctionner son moulin à paroles, dévidant des chiffres, des faits précis, des suppositions et des déclarations sur le grand avenir des concessions qu’il possédait. Brusquement, il baissa la voix et me dit, tout en me fixant d’un regard d’hypnotiseur : « La façon dont vous devez envisager ce placement, ce n’est pas en fonction d’aujourd’hui, pas en fonction de vos enfants ou de vos petits-enfants, mais de vos arrières petits-enfants. Songez aux profits qu’ils en tireront dans un siècle ! »

Je laissai là le produit de Dewar et les Partagas et passai la porte si vite que je faillis me fracturer une cheville !

Il m’est impossible d’énumérer tous les promoteurs malhonnêtes que j’ai rencontrés. — cela prendrait un volume de dix mille pages — mais je puis en décrire quelques-uns, parmi les plus experts en fait de coquinerie.

L’un de ceux-ci était un type de haute stature, élégamment habillé, doté d’un teint olivâtre et d’un regard cons-