Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

nouveau pour leur métier. Le mot « promoteur » (du latin « pro », avant, et « movere », mouvoir) était prononcé avec mépris autrefois. Il y a cent ans, en Angleterre, un informateur. un « stool pigeon » était appelé « promoteur » parce qu’il provoquait des actions illégales et qu’il en dénonçait ensuite les auteurs.

Un autre ami me demanda : « que feriez-vous pour réformer ces abus, si vous en aviez le pouvoir ? »

Je répondis : « Je ne suis pas réformateur, mais simplement un observateur ; et ce que j’observe, je le rapporte fidèlement. Cependant, je me demande ce qui surviendrait si l’État passait une loi bannissant l’utilisation de trois mots qui apparaissent presque toujours sur les prospectus de compagnies minières. Ces mots sont : « Aucune responsabilité personnelle ! »

Ainsi en est-il de ce triste aspect de l’industrie des mines canadiennes. Je fus content de lui dire adieu, de quitter l’entourage de ces êtres aux instincts médiocres de rapaces qui manipulent les dés pipés de l’achat et de la vente des titres ; j’avais hâte d’avoir pour compagnons ceux de la race conquérante, ceux qui font véritablement les mines.

Le voyage nocturne sur le chemin de fer entre Montréal et Saint-Félicien est l’un des plus cahoteux du monde. Vers minuit, les wagons contournent un virage avec suffisamment de violence pour faire sauter par terre les billes d’un billard… si d’aventure il y en avait un à bord du train.

Un prospecteur me raconta qu’une fois passant par cette courbe, il fut précipité hors de sa couchette et atterrit dans celle d’une magnifique femme blonde, dont le lit était du côté opposé. Un autre prospecteur qui écoutait l’histoire, déclara poliment : « Nous, nous te croyons, mais il y en a des milliers qui te traiteraient de menteur ! »