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religions chrétiennes à venir toucher du doigt, constater de visu, le résultat brutal de la doctrine sans Dieu. Ils verront ces figures stupides, ces âmes abruties et sans idéal, cette vie animale qui ne diffère de celle de la bête que par le nombre des pieds en plus ou en moins dans la structure des corps. Ceux qui prétendent que les religions ne sont bonnes que pour les femmes pourront se rendre compte et se convaincre que chez les peuples sans Dieu, entre la femme et la bête il y a peu ou point de différence. « Si Dieu n’existait pas, » a dit, avec raison, Voltaire, « il faudrait l’inventer. »

Dans l’après-midi, nous visitons le Château d’Eau, l’ancien Taman Sarie. C’est l’œuvre d’un architecte portugais qui le construisit, il y a plus de cinquante ans, à la demande du sultan Manko-Boeni. Comme son nom l’indique, ce palais était un endroit de villégiature, à quelques pas du Kraton, palais officiel, pourvu de tout ce que l’imagination peut rêver pour faire un éden de fraîcheur, de repos, d’amusement et de plaisir à l’orientale. Grottes, passages souterrains, escaliers dérobés, chambres secrètes, galeries ombragées, fontaines, chutes, bassins et baignoires de marbre où coulent des eaux de cristal, plantes exotiques et riches en parfums, fruits et fleurs, tout fut réuni dans ce séjour enchanteur. Les fêtes, les orgies qui se sont déroulées ici dépassent l’imagination.

Ce château était autrefois sur une île artificielle que l’on ne pouvait atteindre qu’en bateau ou par un tunnel secret. Le dernier qui l’habita fut le vieux sultan Hamanku Beivono IV ; il y donnait des fêtes même pendant que sa ville était assiégée. Un jour le maréchal Daendels, hollandais, voulut le voir et se rendit au Château d’Eau où il sollicita une audience. Le sultan, tout au plaisir avec les femmes de son harem, fit, par trop, poser le bouillant maréchal qui, impatienté après une longue heure d’attente, enfonça de sa botte la porte du souterrain secret dont les dalles résonnèrent de ses éperons et de ses pas précipités. Il atteignit, au lit de plaisir, le sultan,