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l’empoigna au collet et le conduisit au pas militaire aux quartiers généraux hollandais où l’entrevue eut lieu.

Depuis cette aventure, ce lit de volupté sous lequel coulait l’onde rafraîchissante dans une chambre richement décorée, embaumée de parfums exquis, est devenu le lit de malheur. Vous qui visitez ces lieux, gardez-vous d’y toucher : son contact est un arrêt de mort à brève échéance.

Nous avons vu le grand bassin du bain, le hall des banquets, la salle de musique. De toute cette splendeur il ne reste que de tristes ruines couvertes de broussailles. Sur le flanc des murs craquelés, au plafond des voûtes souterraines de la mosquée et des couloirs, les scorpions et les lézards se pourchassent. Dans les cours spacieuses, des paillottes indigènes se cachent sous les palmiers.

Nous nous asseyons sur des ruines, pour nous reposer. Des gamins cueillent, pour nous, des cocos dont nous buvons à longs traits la liqueur rafraîchissante, en songeant à ce passé extravagant, à ce faste arrogant, à ce despotisme orgueilleux, à toute cette gloire dont il ne reste plus rien.

Un peu plus loin, le nouveau sultan, triste héritier de tout ce faste disparu, vit du souvenir de ses aïeux, et se balade dans un domaine qui n’est plus le sien, dans une ville qu’il s’imagine être sa capitale. Il parade sur le dernier éléphant, seul survivant des anciennes et héroïques caravanes de ses ancêtres. Dans les quatre murs du Kraton qui ferment le mille carré, vivent quinze mille de ses parents : à cent femmes pour un homme, pendant un siècle ou deux, cela finit par produire un joli chiffre d’héritiers !!!

Quelques minutes avant notre arrivée à Djoka, nous voyons les routes, qui coupent ou longent le chemin de fer, peuplées d’une foule en toilette de gala. Quelque événement extraordinaire a dû se produire dans la capitale de Hamankoe-Boewano ; en effet, le vieux sultan vient d’abdiquer en faveur de son troisième fils qui a pris le nom officiel de Hamankoe-Nagaroe. Les deux aînés sont disparus, victimes du poison qui leur fut