Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/387

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la route. Prévoyant qu’il fera très chaud à bord, sur le haut du jour, nous nous hâtons de sauter dans un sampan manœuvré par trois indigènes. Au débarcadère, des carrosses du temps de Mathusalem, attelés de maigres chevaux, vrais squelettes antédiluviens, nous conduisent à travers les rues de la ville la plus délabrée qui puisse être. Les mendiants nous assiègent ; des houris, nigra sum sed formosa, dansent autour de notre voiture. Leurs visages, leurs bras et leurs poitrines nues ruissellent d’un liquide qui doit être de la sueur, mais qui a toutes les apparences de l’huile sur leur peau d’un beau noir de jais. Sur la place du marché, des tomates, des courges jaunes comme de l’or, s’étalent entre les pattes d’une cinquantaine de chameaux chargés de branches sèches. Devant la résidence du gouverneur — Djibouti est une possession française — on est tout ébahi de trouver sur cette terre de feu un jardin de fougères, de palmiers, de lauriers roses, de la verdure et des fleurs. À l’extrémité de la pointe sud, sur une île absolument dénudée, un lazaret profile son quadrilatère blanchi à la chaux et sa toiture en tuiles rouges. Caramba ! que calor !

À 5 heures p.m., nous mettons le cap sur le détroit de Bab-el-Mandeb que nous passerons pendant la nuit.

21 avril — La nuit a été chaude ; nous avons la mousson de l’est. La journée se passe sans incident qui vaille la peine d’être noté. Distance parcourue à midi : deux cent quatre-vingts milles ; il en reste encore près de huit cents pour Port-Saïd. Latitude 14°. Nous montons lentement. On nous promet de la fraîcheur pour demain.

En remontant la mer Rouge, nous avons à droite la côte de l’Arabie, le Yemen et l’El-Hajaz, l’Arabie heureuse, à gauche, la Somalie, le Gallas, l’Abyssinie, le royaume du défunt roi Ménélik, prétendant direct à la lignée du roi Salomon, enfin la Nubie et l’Égypte. La largeur moyenne de la mer Rouge est de cent cinquante à deux cents milles, et sa longueur, de douze à quinze cents milles. Cette mer est très poissonneuse ; nous naviguons au milieu de bancs de poissons de toutes espèces, de toutes couleurs, de toutes