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Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/17

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le décolletage dans la salle

plus ou moins scabreuses. Et pourtant, les baignoires et les loges grillées, dans maint petit théâtre du boulevard, voire autrefois nos plus grandes scènes, furent témoins discrets d’aventures les plus osées. Leur historiographe aurait fort à faire s’il avait la prétention d’être complet.

Il paraîtrait toutefois, si nous en croyons Pierre Giffard (fig. 8), que certaines femmes se déshabilleraient plus ou moins, dans les loges couvertes ou grillées,
Fig. 7. — Loge d’opéra (vingtième siècle), d’après Henriot. Le code civile interdit les « vues sur les propriétés des voisins », mais le code de la civilité non puérile et déshonnête les tolère.

non point par motif galant et pour le plus grand plaisir de leur compagnon, mais tout simplement pour se mettre à leur aise et… ôter leur corset ! « Il a beau être en satin rose, ce féroce tyran, en satin cerise ou en satin bleu tendre, les baleines n’en étouffent pas moins dans leurs contractions abusives la taille et tout ce que la femme possède de charmes.

« Le corset au théâtre, c’est une véritable mise à la torture ! Aussi, plus d’une femme pratique s’empresse-t-elle de se couler au fond de la baignoire, à peine arrivée au théâtre, et d’y déposer sur une chaise le fatal instrument qu’elle roule ensuite dans le journal-programme. C’est un déshabillage et un rhabillage complet, direz-vous ? Oui, mais quel soulagement !

« Remarque : Il y a cent à parier contre un que la dame névropathe qui ôte son corset au théâtre est construite d’admirable façon. L’appareil si nécessaire à tant d’autres a disparu, mais il n’y paraît pas. Regardez-la sur le devant de sa baignoire. Elle est maintenant calme et à l’aise. Ses charmes se tiennent crânement ; ils dressent même la tête en signe d’allégresse et d’indépendance !

« Heureux époux, que celui de la femme dont le corset peut glisser sans qu’il y paraisse[1] ! »

La plupart de celles qui exhibent dans une salle de spectacle un décolletage osé, le font en parfaite connaissance de cause, sûres de l’unanimité des suffrages masculins, telle Phryné devant l’aréo-

  1. P. Giffard, la Vie au théâtre. Librairie illustrée.