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Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/39

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l’antiquité

d’Aimer d’Ovide, interprété en tableaux lascifs les plus impudiques.

Enfin, au cirque, les chrétiens jetés aux bêtes, hommes, mères, vierges, enfants étaient entièrement nus, cependant qu’à genoux ils imploraient leur Dieu, et insensibles, anesthésiés par la foi, attendaient l’horrible mort. Spectacle qui exaltait la lubricité et le sadisme des foules et qui contribua à précipiter dans l’abjection cette société pourrie qui ne se souvenait plus guère de Brutus et de Caton.

Ces spectacles de nudités, qui firent fureur sous les républiques grecque et romaine et qui continuèrent sous l’empire, furent interdits ensuite par Justinien, l’époux de Théodora. C’est lui qui imposa le caleçon obligatoire aux mimes, funambules, acrobates, etc. Le fait est piquant, venant du mari de la célèbre débauchée[1] qui, elle, n’hésitait pas à faire admirer sa nudité. « Souvent, au théâtre, dit Procope, devant le peuple entier elle ôtait ses vêtements et s’avançait nue au milieu de la scène, ne gardant qu’un petit caleçon qui cachait le sexe et le bas-ventre. Et même, elle l’aurait volontiers montré au peuple, mais il n’est permis à aucune femme de s’exposer tout à fait nue, si elle ne porte pas au moins un petit caleçon[2] sur le bas-ventre. Sous cet aspect, elle se renversait en arrière et s’étendait sur le plancher. Des garçons de théâtre étaient spécialement chargés de jeter des grains d’orge sur ses parties honteuses, et des oies qu’elle avait dressées à cet office venaient les prendre là, un à un, dans leurs becs, et les manger. Loin de se lever en rougissant, elle paraissait aimer ce spectacle et y mettre du zèle[3]. »

  1. Autre contradiction : Justinien, qui épousa une comédienne, défendit aux sénateurs et aux grands officiers de suivre son exemple.
  2. Procope, ministre et historien de Théodora, écrit au sixième siècle après J.-C. Il est le premier auteur qui fasse mention d’un règlement obligeant les mimes nues à porter un « cache-sexe ». Ce petit vêtement date donc du Bas-Empire chrétien, et le sénateur Bérenger a tort quand il appelle les exhibitions de femmes nues des spectacles du Bas-Empire.
  3. Procope, la jeunesse et le Mariage de Théodora, trad. par Pierre Louÿs. Mercure de France, juillet 1898, p. 170.