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Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/58

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le nu au théâtre

Malgré le jugement d’A. Houssaye qui considère Madeleine comme trop âgée pour jouer les nymphes — mère de famille depuis vingt-cinq ans, elle avait, dit-il, trop d’envergure et trop « d’avant-scène » selon l’expression consacrée, pour jouer les Océanides » — nous pensons que « La Béjart » désigne, dans ces deux citations, une célébrité consacrée et non une débutante.

Où la mère avait passé, devait passer la fille. Armande Béjart parut plus tard dans la pastorale Mélicerte, sous un décolleté aussi apparent que transparent, ainsi que le montre la figure 36, d’après une eau forte de Léon Flameng. Ceci, pour bien montrer que le nu au théâtre n’a point toujours soulevé ce tollé de pudique indignation qui éclata, en notre vertueux vingtième siècle, devant les exhibitions féminines des music-halls. C’étaient alors les femmes à la mode, — des femmes bien et légitimement mariées, — qui offraient aux spectateurs la vue de leurs charmes secrets. Que dirait M. Fallières, si, invité chez un de ses ministres, il assistait à un ballet dans le genre des Facheux ?

La plupart des grandes actrices, sous le Roi-Soleil, étaient de superbes femmes qui joignaient à la délicatesse du visage, la grâce plaisante et appréciée d’une beauté plastique fort bien en point. Mme Raisin, née Françoise Pitel-Longchamps avait beaucoup de gorge et était « extrêmement garnie de hanches », ce qui la fit priser par le Grand Dauphin. Le fils ainé de Louis xiv, lequel malgré sa dévotion, se l’offrit comme maitresse, car il aimait la bonne chère et l’abondante chair. « I] lui fit un enfant (Mlle Fleuri), dit Bois-Jourdain, sans doute par distraction, car on prétend que son habitude favorite était de remplacer par un artifice de complaisance de la part de sa maîtresse, les jouissances procréatrices par une plus piquante que lui offraient les beaux tétons de-la Raisin. »

Ainsi, l’extrême dévotion du Grand Dauphin n’était pas exclusive de certains tempéraments apportés à la rigueur des commandements de l’Église. Bon élève de Tartufe, il pensait qu’il était avec le ciel de louables accommodements.

Il ne couchait jamais avec sa maitresse le vendredi, et ce jour-là il la renvoyait à son mari « pacifique », l’acteur Raisin, mais en lui faisant bien promettre une rigoureuse abstinence. Rose Raisin profitait de ce repos hebdomadaire, non point pour jeûner, mais pour se donner à son autre amant, le poète Campiston, amateur, lui aussi, des seins luxuriants et des femmes luxurieuses[1].

  1. Le grand Dauphin aimait les femmes plantureuses, de même qu’Henri iii affectionnait les blondes.

    Une autre de ses maitresses, qui, au dire de Maurepas, devint sa ferme légitime en 1697, Mlle de Chouin, élait d’un embonpoint remarquable. La Palatine, qui n’était pas tendre, en parle dans ces termes : « Elle avait l’air d’un carlin ; elle avait