Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/130

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ces terres, où n’arrive pas cette brise de mer, en ont un moindre besoin, puisque leur élévation même les place dans un air plus froid. Tout cela n’est-il pas admirable ? n’y a-t-il pas là un but évident, atteint par un moyen habilement ménagé ? Mais voici que le Naturalisme trouve les causes naturelles de ce phénomène dans les propriétés les plus générales de l’air, sans avoir besoin d’imaginer pour cela une intervention spéciale de la Providence. Il remarque avec raison que la brise de mer aurait les mêmes mouvements périodiques, quand même aucun homme n’habiterait ces îles, et que son existence est le résultat nécessaire des propriétés que l’air doit indispensablement posséder, indépendamment d’une fin spéciale, et simplement pour la croissance des plantes, à savoir son élasticité et sa pesanteur. La chaleur du Soleil rompt l’équilibre de l’air, en raréfiant celui qui se trouve au-dessus de la Terre, et force ainsi l’air plus froid de la mer à quitter sa place pour venir prendre celle du premier. De quelle utilité ne sont pas les vents sur la Terre, et quel emploi n’en fait pas l’esprit inventif de l’homme ! Pourtant il n’est pas besoin pour les produire de dispositions spéciales : il suffit des propriétés générales que l’air et la chaleur possèdent, indépendamment du but particulier dont on vient de parler.

Accordez-vous, dit ici l’esprit fort, que si l’on peut expliquer les harmonies naturelles, celles même dont l’utilité pour l’homme est la plus évidente, par les lois physiques les plus simples et les plus générales, il n’est plus besoin de recourir à l’intervention spéciale d’une souveraine sagesse ? Eh bien ! voyez ces preuves qui, de votre propre aveu, vous prennent en flagrant délit de contradiction. Toute la nature, et surtout la nature inorganisée, est pleine de semblables faits, qui forcent à reconnaître que la matière, se constituant elle-même par le mécanisme de ses propres forces, peut arriver à un ordre admirable dans ses effets et satisfait d’elle-même et sans contrainte aux règles de l’harmonie. Que le défenseur de la Religion essaye de nier cette aptitude des lois générales de la nature ; en dépit de sa bonne intention, il se met lui-même dans l’embarras et, par sa maladroite défense, il donne à l’incrédulité l’occasion de triompher.

Mais voyons comment ces raisons mêmes, qui semblent des moyens d’attaque terribles entre les mains de l’ennemi, peuvent