Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/131

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bien plutôt devenir des armes puissantes pour le combattre. La matière, obéissant à ses lois générales, produit par des procédés naturels, ou, si l’on veut, par l’impulsion d’un mécanisme aveugle, des effets harmonieux, qui semblent conduire à la négation d’une Sagesse supérieure. L’air, l’eau, la chaleur, lorsqu’on les considère abandonnés à eux-mêmes, donnent naissance aux vents et aux nuages, aux pluies et aux fleuves qui arrosent les terres, et à tant d’autres effets bienfaisants, sans lesquels la nature resterait désolée, inculte et stérile. Mais ils ne produisent point ces effets par un pur hasard, ou par un accident qui pourrait tout aussi bien les rendre nuisibles et dommageables ; nous voyons au contraire qu’ils sont astreints à des lois naturelles, qui ne leur permettent pas d’agir autrement qu’ils ne le font. Et alors que penser d’un si merveilleux accord dans leurs actions ? Comment se pourrait-il que des éléments de nature diverse tendissent par leur action combinée à produire des phénomènes si harmonieux et si utiles, au profit d’êtres placés complètement en dehors du cercle de la matière inerte, l’homme et les animaux, s’ils ne reconnaissaient pas une origine commune, une Intelligence infinie dans laquelle a été esquissé le plan général des propriétés essentielles de toute chose ? Si les caractères des divers agents naturels étaient nécessaires en soi et indépendamment, quel étonnant hasard, ou plutôt quelle impossibilité n’y aurait-il pas à ce que leurs tendances naturelles se résument en un concert admirable, comme si un choix habile avait présidé à leur réunion !

Maintenant j’applique avec confiance ces principes à mon entreprise présente. Je suppose la matière de tout l’Univers dans un état de décomposition générale, et j’en fais un véritable chaos. Je vois alors les éléments se façonner d’après les lois connues de l’attraction, et modifier leurs mouvements en raison de la répulsion. J’ai la satisfaction de voir surgir de ce chaos un tout bien ordonné, sous la seule action des lois connues du mouvement et sans l’aide d’aucune supposition arbitraire ; et ce tout est si semblable au système de l’Univers que nous avons devant les yeux, que je ne puis m’empêcher de l’identifier avec lui. Ce développement inattendu de l’ordre de la nature m’est d’abord suspect, parce qu’il fait dériver un ensemble très compliqué et très régulier d’un état primitif où régnaient à la fois la simplicité et le