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causes matérielles qui les ont mises en mouvement. » (Loc. cit., p. 93.) Laplace exprime le même sentiment sur l’identité des mouvements du Soleil et des planètes, et aussi sur l’égalité des moyens mouvements de rotation et de révolution des satellites de la Terre et de Jupiter : « Des phénomènes aussi extraordinaires ne sont point dus à des causes irrégulières. En soumettant au calcul leur probabilité, on trouve qu’il y a plus de deux cent mille milliards à parier contre un, qu’ils ne sont point l’effet du hasard, ce qui forme une probabilité bien supérieure à celle de la plupart des événements historiques dont nous ne doutons point. Nous devons donc croire, au moins avec la même confiance, qu’une cause primitive a dirigé les mouvements planétaires. » (Exposition du Système du monde, t. II, p. 509, 6e édition, 1836.) Lorsqu’il écrivait ces lignes, Laplace ne connaissait autour du Soleil que sept grandes planètes, quatre planètes télescopiques et dix-huit satellites. Aujourd’hui, le nombre des corps de notre système qui satisfont à la loi d’identité des sens des mouvements est de deux cent cinquante-six.

Le problème de l’origine du système solaire se pose donc en termes très nets : expliquer comment une même matière a pu, en obéissant aux lois de Newton, donner naissance à des corps, soleil, planètes et satellites, soumis aux conditions d’identité des mouvements qui viennent d’être indiquées.

La question a été attaquée par deux voies très différentes. Kant et Laplace supposent qu’à l’origine, toute la matière qui constitue actuellement les astres du système était répandue dans tout l’espace que comprend ce système et même au delà, constituant ainsi une nébuleuse de densité extrêmement faible, dont la condensation a donné naissance, successivement et par un mécanisme qu’il reste à expliquer, aux divers corps du système. C’est l’hypothèse nébulaire, très différemment traitée d’ailleurs, comme nous le verrons, par Laplace et par Kant.

Avant Laplace, Buffon, frappé comme lui de cette remarquable identité des mouvements des planètes et « voulant s’abstenir d’avoir recours, dans l’explication des phénomènes, aux causes qui sont hors de la nature », fit naître les planètes et leurs satellites du globe même du Soleil, auquel une puissante comète aurait arraché, par un choc oblique, la quantité de matière nécessaire à leur formation. Je ne m’arrêterai pas à cette hypothèse, dont Laplace a fait justice