Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/265

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la comparaison des idées, l’âme se laisse aller volontiers à accepter hâtivement la première impression, et se contente des aperçus vagues que lui permettent à peine l’inertie de sa nature et la résistance de la matière.

C’est dans cette dépendance mutuelle que s’évanouissent à la fois les facultés de l’esprit et la vitalité du corps ; lorsque l’âge avancé, par le cours affaibli de la sève, ne cuit dans le corps que des humeurs épaisses, lorsque la flexibilité des fibres et la souplesse des mouvements diminuent, en même temps les forces de l’esprit s’épuisent et s’engourdissent. La souplesse de la pensée, la clarté des idées, la vivacité de l’intelligence et la faculté de la mémoire perdent leur force et leur chaleur. Les connaissances inoculées par une longue expérience suppléent encore dans une certaine mesure à la disparition de ces forces, et l’intelligence trahirait encore plus clairement sa sénilité, si les passions, que ce frein ne relient plus, ne s’éteignaient pas en même temps et même avant elle.

Il est donc clair d’après cela que les puissances de l’âme humaine sont limitées et gênées dans leurs manifestations par les obstacles d’une matière grossière à laquelle elles sont intimement unies.

Mais il est quelque chose de plus remarquable encore, c’est le rapport essentiel qui subordonne cette propriété spécifique de la matière au degré d’influence avec lequel le soleil la vivifie à proportion de sa distance et la rend plus ou moins apte aux fonctions de l’économie animale. De cette influence nécessaire du feu central du monde, qui rayonne à travers l’espace pour maintenir la matière dans l’état d’excitation indispensable à la vie, découlent l’existence d’une gradation évidente dans les propriétés des divers habitants des planètes, et une liaison essentielle qui enchaîne chacune des classes de ces êtres, par la nécessité de sa nature, au lieu qui lui a été assigné dans l’Univers.

L’habitant de la Terre et celui de Vénus ne pourraient, sous peine de mort, échanger leurs habitations respectives. Le premier, dont l’élément constitutif, approprié au degré de la chaleur qui résulte de la distance de la Terre au Soleil, serait beaucoup trop fluide pour une température plus élevée, subirait, s’il était placé dans une sphère plus chaude, des mouvements gigantesques et une désorganisation complète de sa nature, par suite de la volatilisation et de la dessiccation de ses humeurs et d’une expansion extraordinaire