Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 78 —

l’ont conduit ses déductions mathématiques. J’emprunte l’exposé de sa théorie à ces résumés, et particulièrement à ceux des Mémoires intitulés : Changements séculaires des éléments de l’orbite d’un satellite tournant autour d’une planète déformée par les marées, et Du frottement de la marée sur une planète entourée de plusieurs satellites.

Le point fondamental de la théorie est la transformation de la quantité de mouvement de rotation d’une planète, à mesure qu’il est détruit par le frottement des marées, en quantité de mouvement orbital du corps qui produit la marée.

La marée que considère M. Darwin n’est pas seulement celle que soulève l’action d’un corps extérieur dans la couche de liquide dont est recouverte la planète, mais celle qui affecte la masse entière de cette planète, qui n’est point absolument rigide, mais plus ou moins visqueuse et par conséquent déformable. Même dans son état actuel, la Terre n’échappe point à de telles déformations : il faudrait lui supposer une rigidité plus grande que celle de l’acier pour qu’il n’en fût pas ainsi. À plus forte raison, dans les périodes antérieures de son histoire, la Terre primitivement fluide a-t-elle dû subir des marées dans toute sa masse (bodily tides), dont les frottements ont produit sur sa rotation des effets bien plus énergiques que ceux que l’on peut attribuer aujourd’hui au frottement de la masse liquide de l’Océan sur la croule solide du globe[1]. Examinons l’action de ce frottement de la marée sur la planète, et la réaction qui en résulte sur le satellite auquel est due la marée. Si nous supposons la Terre et la Lune seules en présence, et la Terre tournant sur elle-même dans un temps plus court que la période de révolution de la Lune, l’effet de la marée lunaire sera de retarder le mouvement de rotation de la Terre, et de tendre à égaliser les périodes de la rotation de la Terre autour de son axe, et de la révolution des deux corps autour de leur centre d’inertie ; aussi longtemps en effet que ces périodes diffèrent, l’action de la Lune sur la protubérance soulevée et entraînée par le mouvement trop rapide de rotation de la Terre tend à ramener celle-ci en arrière. Si,

  1. Bien que M. Darwin ait basé ses recherches sur le frottement dû à cette marée corporelle, il fait néanmoins remarquer qu’on arriverait aux mêmes résultats par la considération de la seule marée superficielle ou d’une combinaison de celle-ci avec la marée interne.