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Page:Wyzewa - Beethoven et Wagner, 1898.djvu/126

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à ce cabaret des siècles de mauvais vin et de saucisses frelatées !

M. Chamberlain n’avait encore, à ce moment, aucune idée d’écrire ; et on l’aurait fort étonné en lui prédisant qu’il deviendrait, dix ans plus tard, dans l’Europe entière, le maître incontesté de la littérature wagnérienne. Il s’occupait surtout de sciences naturelles, apportant à ses recherches les précieuses qualités de précision passionnée, de sang-froid, et d’enthousiasme, qui donnent à ses écrits sur Wagner un caractère si particulier. Son tempérament d’Anglais s’était adapté aux méthodes et aux mœurs allemandes sans rien perdre de sa vigueur primitive : et je me rappelle toute ma surprise à rencontrer dans un même esprit tant d’amour des idées avec une si remarquable aptitude à l’observation des faits.

Mais dès lors Wagner s’était emparé de son cœur, magicien subtil, comme il s’était emparé des nôtres au premier instant qu’il nous était apparu. Je ne m’étonne pas que Nietzsche ait accusé Wagner d’être un nécromant, ni que M. Péladan ait reconnu en lui un grand maître des pouvoirs occultes. C’est proprement par un sortilège qu’il nous a conquis, par l’enchantement d’un breuvage magique qui toujours, désormais, nous rendra dociles à sa voix. Le charme sensuel de sa musique pourra s’éventer ; nous pourrons