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Page:Wyzewa - Beethoven et Wagner, 1898.djvu/127

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nous fatiguer de ses fables, dédaigner la malice de ses ruses, comprendre l’insuffisance ou la vanité de ses poèmes, et préférer à son art d’autres arts d’une plus pure beauté. Mais toujours il nous suffira de l’entendre pour être de nouveau tout à lui. C’est pour cela sans doute que Nietzsche, du jour où il s’est éloigné de lui, s’est obstinément refusé à entendre une note de sa musique. Il savait que le wagnérisme est une maladie dont on ne guérit jamais tout à fait : il en avait dégagé sa raison, mais son cœur restait toujours pris.

Le cœur de M. Chamberlain était pris aussi par Wagner, comme aussi le mien, lorsque nous nous sommes montrés l’un à l’autre dans cette taverne de Leipzig. Et à peine y étions-nous installés que déjà nous évoquions nos souvenirs de Bayreuth. Nos enthousiasmes étaient pareils ; mais combien différentes les formes qu’ils revêtaient en nous ! Tandis que je ne songeais qu’à l’effet produit en moi par la musique de Wagner, essayant d’analyser mon impression, tout prêt déjà à protester contre elle, c’est à l’œuvre même que s’en tenait M. Chamberlain. Non content d’être ému par les drames wagnériens, il voulait encore les comprendre; et pour les bien comprendre il essayait de deviner quelles avaient été au juste, en les composant, les inten-