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ceux sur lesquels il avait le plus compté, qui l’avaient le mieux servi, et dont la ferveur l’avait le plus touché.


II

Combien différente nous apparaît la même histoire, si nous la regardons maintenant du point de vue de Nietzsche ! « Nous étions amis et nous sommes devenus étrangers l’un à l’autre, écrit le philosophe dans un de ses carnets. Mais cela est bien ainsi, et nous n’avons ni à en rougir, ni à le cacher. Nous sommes deux navires, dont chacun a son but et sa voie tracée. Nous pouvions nous croiser, et célébrer une fête en commun, — comme nous l’avons fait ; — mais ensuite la force toute puissante de nos tâches à tous deux devait fatalement nous éloigner l’un de l’autre. » Il se tenait pour un navire, égal au moins en grandeur et en importance à celui qu’il avait, par hasard, « croisé » sur sa route !

Peut-être ne s’était-il pas fait cette idée dès le début. Peut-être est-ce la seule admiration du génie de Wagner qui l’avait, en 1869, attiré vers l’auteur de Tristan et des Maîtres Chanteurs. Et peut-être avait-il oublié ses premiers sentiments lorsqu’il écrivait, en 1888 : « Un psychologue pourrait établir que, dès ma jeunesse, ce que j’entendais dans la musique wagnérienne n’avait