Page:Wyzewa - Mallarmé, notes, 1886.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Entre ces poètes Parnassiens, M. Mallarmé a, d’abord, choisi son rang. Il a donné, dans le premier Parnasse contemporain, un recueil de brèves pièces : dans le second Parnasse, un fragment de scène antique, Hérodiade. L’intention de ces poèmes les fait pareils à ceux des poètes cités[1]. C’est des développements musicaux, des recherches de syllabes ; les rythmes, peu originaux, les sujets, banals, empruntés peut-être au lexique de Baudelaire. Voici : la vie mauvaise comparée à un hôpital ; le poète comparé à un sonneur las ; les mélancolies du rêveur tandis que le soleil s’épand ; le triomphe maudit des éternelles soifs idéales ; la création des fleurs pour l’artiste ; le besoin de s’enfuir n’importe où, hors du monde ; une femme éprise de son corps lascif.

Mais, incontestablement, ces premiers vers de M. Mallarmé, écrits suivant les règles du Parnasse, — et parfaitement compréhensibles à tous dans l’inanité de leurs sujets, — ces premiers vers ont été les plus beaux des vers parnassiens. Leur mélodie a des emportements qui rappellent les thèmes juvéniles de Beethoven. Et comme les premières sonates de Beethoven comparées aux œuvres pareilles de Mozart ou de Haydn, les poèmes initiaux de M. Mallarmé étonnent par la

  1. Une preuve indiscrète : j’ai entre les mains, un exemplaire des premiers poèmes annoté, depuis, par M. Mallarmé. Dans le sonnet : A celle qui est tranquille, le dernier vers où devait être l’effet principal du morceau, est corrigé au crayon : M. Mallarmé avait mis d’abord :
    Et j’ai peur de penser lorsque je couche seul.

    Il a corrigé :

    Et j’ai peur de mourir lorsque je couche seul.