Page:Wyzewa - Mallarmé, notes, 1886.djvu/26

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maires, ou les compréhensions inintelligentes, à quoi bon cela ? Elle doit être, la Poésie, éloignée, un autel rare de la joie dernière. La musique n’est point comprise — certes, — sans une éducation musicale : pourquoi la Poésie devrait-elle être jetée, cuite à point, dans les appétits faciles des passants ?

M. Mallarmé s’est ainsi résigné à n’être point clair pour ceux qui, avant d’être initiés, demandaient le temps de rire. Il a pu, à ce prix, atteindre le but qu’il voyait : dire des idées, suggérer les émotions de ces idées.

Aux points saillants de ses poèmes, il a disposé des mots précis, indiquant l’idée : c’est le sujet : et le sujet apparaît, clairement, à ceux qui daignent, d’abord, lire une fois la pièce entière. (Les ignorants de la Musique raillent-ils donc Beethoven, parce qu’ils doivent déchiffrer lentement ses partitions, avant d’en revivre la joie ?) Le sujet apparaît clairement, sous les modulations environnantes des syllabes musicales, comme apparaît, dans une fugue, le thème fondamental, malgré le conflit incessant des contre-sujets. Parfois le poète doit, pour les besoins de la Musique, — n’est-elle point le but essentiel ? — employer des métaphores et des périphrases : mais l’effort est achevé, et notre patience de lectures multiples nous gagne enfin le bonheur d’une création artistique.

Car, lorsque les mots littéraires, indiquant le sujet, ont été perçus, les syllabes voisines révèlent leur destination intime : elles sont l’accompagnement musical : et combien précis, continu, adéquat à l’idée qu’il escorte ! Toutes les trouvailles des poètes Parnassiens sont ici employées, mais logiquement et sagement, par un artiste maître d’elles, conscient de leur portée expressive.