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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/106

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NOS MAÎTRES

par le comte Villiers de l’Isle-Adam, le plus admirable des musiciens des mots, parfait dominateur des sonorités verbales, et dont les poèmes ont le charme mystérieux et subtil de mélodies infiniment pures. Par eux fut donne à l’art un vocabulaire poétique, enrichi encore par maints autres qu’a repris l’oubli.

C’est entre ces poètes que M. Mallarmé a, d’abord, choisi son rang. Il a donné, dans le premier Parnasse contemporain, un recueil de brèves pièces : dans le Nouveau Parnasse un fragment de scène antique, Hérodiade. L’intention de ces poèmes les fait pareils à ceux des maîtres parnassiens. Ce sont des développements musicaux, des recherches de syllabes : les rythmes, peu originaux ; les sujets, banals, empruntés peut-être au lexique de Baudelaire. Voici : la vie mauvaise comparée à un hôpital ; le poète comparé à un sonneur las ; les mélancolies du rêveur, tandis que le soleil s’épand ; le triomphe maudit des éternelles soifs idéales ; la création des fleurs pour l’artiste ; le besoin de s’enfuir n’importe où, hors du monde ; une femme éprise de son corps lascif.

Mais incontestablement ces premiers vers de M. Mallarmé, écrits suivant les règles du Parnasse — et parfaitement compréhensibles à tous dans la banalité de leurs sujets — ces premiers vers compteront parmi les plus beaux des vers parnassiens. Leur mélodie a des emportements qui rappellent des phrases juvéniles de Beethoven. Et, comme les premières sonates de Beethoven comparées aux œuvres pareilles de Mozart ou de