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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/107

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

Haydn, ces premières poésies de M. Mallarmé étonnent déjà par la volontaire unité de leur ton musical : développement logique et nécessaire d’un motif, agencement prémédité des syllabes, dans le motif même, afin de produire une émotion totale. En exemple, ces quelques vers :

Dans le Guignon :

Au-dessus du bétail écœurant des humains,
Bondissaient par instant les sauvages crinières
Des mendieurs dazur, perdus dans les chemins.

Dans l’Apparition :

La lune sattristait : des séraphins en pleurs,
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
Des blancs sanglots glissant sur Tazur des corolles.

Dans les Fleurs :

Et tu lis la blancheur sanglotante des lys.
Qui, roulant sur la mer de soupirs qu’elle effleure,
À travers l’encens bleu des horizons pâlis.
Monte rêveusement vers la lune qui pleure !


Que l’on compare ces vers à certaines stances de Hugo, vêtues de rythmes pareils : la différence apparaîtra aussitôt du poète et de l’orateur.

M. Mallarmé a cependant renié, — comme il sied à l’artiste allé plus loin — ces premiers poèmes écrits dans la période — si l’on veut — de sa compréhensibilité. Mais ils n’en restent pas moins les productions parfaites d’un genre dépassé ; précieux surtout parce qu’ils montrent déjà les qua-