Aller au contenu

Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
97
M. STÉPHANE MALLARMÉ

Logicien, M. Mallarmé était encore un artiste. Nullement un ouvrier du vers, épris des fins artifices, traitant la poésie comme un métier, aux heures de la tâche. Non davantage un aristocrate, un seigneur de la pensée, à la façon de Balzac ou du comte Villiers de l’Isle-Adam, perdus, presque sans autre conscience, dans les enchantements d’une vie supérieure qu’ils évoquent d’instinct. Mais un artiste : il savait que l’art est un travail, différant de la vie ordinaire ; et pour ce motif il l’aimait. Cette destination artistique s’aperçoit aisément dès les premiers vers du poète : c’est une sincérité manifeste, un visible effort à éprouver les émotions qu’il traduit : c’est encore la préférence donnée, sur toutes les images naturelles, à des images plus affinées ; une curiosité des parfums exquis, des meubles, des tapisseries, des étoffes très rares. Les sujets mêmes, pareils à ceux de Baudelaire, disent un choix d’artiste. M. Mallarmé voyait ce monde de nos réalités, et, au dessus, le monde plus joyeux de l’art : cette double vision, simultanée, contient déjà toute l’explication de son œuvre prochaine. Dès son début, il voulait évoquer le monde supérieur désiré : l’évoquer par une intelligente volonté d’artiste logicien, non par métier, ni par une disposition naturelle et irréfléchie. Et il a dédié, dès ce moment, toute sa vie à l’œuvre de l’art.

Noterai-je, dans ces premiers vers, quelque autre qualité du poète ? Une tendance, par exemple, à voir toutes choses comme des symboles. Un hôpital ? c’est notre vie. Le sonneur ? c’est le poète