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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/110

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NOS MAÎTRES

invoquant l’idéal. La rose ? c’est Hérodiade. Nous sommes loin des images de Hugo, rapides et fortuites, tropes scolaires vite abandonnés : voici déjà la vie entière considérée sous un double aspect, réel et fictif. L’artiste voit constamment, avec une égale sûreté, les deux mondes : et il transpose dans l’art toute réalité sensible.


II

Telles vertus nous apparaissent, éclairées sans doute par leur suite prochaine, — dans les premiers poèmes de M. Mallarmé. Elles étaient étrangères et supérieures aux exigences de la poésie Parnassienne ; elles devaient nécessairement le conduire à une conception nouvelle de la création poétique.

Et, de fait, tandis que les Parnassiens abandonnaient presque tous le métier des fines musiques pour le métier plus fructueux des romans et nouvelles en prose, M. Mallarmé, logicien et artiste, cherchait infatigablement la rénovation logique de son art. Il avait, je crois, adopté un labeur ; il s’était fait ouvrier d’un ouvrage pénible : mais, afin d’y gagner l’isolement, les moyens d’échapper à la vue intéressée de ce monde, que désormais il voulait contempler comme un haut témoin, sans y être mêlé. Et, dans la tranquillité de provinces mortes, après les heures sacrifiées à la tâche, il méditait la signification présente et future de la poésie. Il vit alors que la poésie Parnassienne était une