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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/125

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

poétique, isolant des mots précis parmi les syllabes purement musicales, que cette forme devait être aidée par la disposition matérielle des écritures. Il a rêvé alors un Livre nouveau, où les sujets pourraient être distingués aisément de la musique environnante. Il a cherché la forme parfaite du Livre ; et, comme sa recherche des symboles, je crains que cette recherche des typographies ne se prolonge, indéfinie. Il n’a point admis que les signes importaient peu, que la bonne volonté des lecteurs suppléait aux insuffisances de la matière. Toujours, désormais, son àme poursuivra le vain rêve mobile de la perfection idéale, et lœuvre de sa vie demeurera toujours inachevée, s’il ne s’arrache point à ces belles chimères pour traduire, avec les procédés autour de lui employés, telles prestigieuses parties du symbole universel.

J’exprime ici une crainte, non un blâme. Apprécier les nouvelles conceptions de M. Mallarmé, ceux-là seuls en auront le droit qui connaîtront enfin réalisée cette œuvre où il a mis toute sa vie, cette œuvre depuis tant d’années promise, et que nous devons attendre avec une désespérance pieuse.


La part de M. Mallarmé n’en demeure pas moins très belle et très noble, dans l’art de notre temps. Ce cher poète aura eu l’honneur d’avoir essayé de relever la destination de la poésie, en la consacrant à exprimer des émotions définies. Et déjà, malgré les railleries, il a été suivi dans cette voie précieuse. Mais qu’il ait ou non des successeurs, qu’il achève ou non l’œuvre admirable qu’il essaie, il