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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/131

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

s’enfuir par le rêve, oublier cette mauvaise apparence ; les souvenirs du passé, comme les serres d’un fort oiseau, l’agrippent. Condamné à subir le froid de cette chambre jadis illuminée, il souffre. Mais bientôt sa souffrance s’apaise : car il a vu, au lieu de la cheminée sans flammes, dans la nuit du dehors et de son cœur, surgir, — brillant, oh ! brillant à lui donner l’illusion de la flamme perdue et de sa chaleur. — il a vu le scintillement de cette console, il a retrouvé le réel foyer, la flambée du rêve tout-puissant qui jamais ne s’éteint.


Surgi de la croupe et du bond
D’une verrerie éphémère,
Sans fleurir la veillée amère
Le col ignoré s’interrompt.

Je crois bien que deux bouches n’ont
Bu, ni son amant ni ma mère,
Jamais à la même chimère.
Moi, sylphe de ce froid plafond !

Le pur vase d’aucun breuvage
Que l’inexhaustible veuvage
Agonise, mais ne consent,

Naïf baiser des plus funèbres,
À rien expirer annonçant
Une rose dans les ténèbres.


C’est maintenant, sur la table, un vase, un mince vase où naguère des fleurs s’irradiaient. Le poète l’aperçoit : il considère la délicate forme contournée, la fragile croupe de verre qui semble bondir, et puis il en voit s’élever le col, mais sitôt s’interrompre. Tristement le poète songe que nulle fleur