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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/162

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NOS MAÎTRES

Des mages aux longues robes, maîtres de l’arcane dernier. Des chevaliers d’une adorable fierté. Et ce grandissement des personnages, qui, en apparence, fait ressembler les histoires de M. de Villiers aux mélodrames surannés des romantiques, il est chez lui légitime, artistique, seul séant au caractère natif de son esprit. Car M. de Villiers est un prince, perdu au travers de nos démocraties. Ces lointains héroïsmes passionnés, d’instinct il les conçoit réels. Il ignore notre vision moderne des choses. Il crée, à son insu, des âmes pareilles à son âme, parfaitement nobles et pures, dédaigneuses des communs désirs, conduites à leurs actes par les motifs d’une altière supériorité. Et avec une exemplaire loyauté d’artiste, il restitue, dans ses récits, le seul univers qu’il a pu observer.

Veut-on la brève analyse de quelques-unes, parmi ces histoires ?

Une femme au cœur magnifique longtemps a vécu la compagne d’un estimable négociant. Elle s’est résignée aux petitesses de la vie bourgeoise ; elle a tenu, scrupuleusement, les registres de la maison. Mais, un soir, tandis que scintillent les infinies étoiles, voici qu’une révolte a saisi ce noble cœur ignoré. Elle a honte des années vécues en de vains soucis : elle veut fuir, aller, au loin du monde, épanouir enfin dans quelque solitude les mystérieuses floraisons de son âme. Elle avoue à son mari, stupéfait, son désir de le quitter ; elle s’obstine ; elle sent le bonheur maintenant possible ; elle part. Et. pendant que l’estimable commerçant déjà se console — après tout, ce n’est