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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/189

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RENAN ET TAINE

constitution psychologique est trompeuse, nous condamne à une illusion constante et inévitable ; et M. Renan réplique, sous le nom de Philalète : « Je me suis habitué à ne plus m’arrêter à ce doute. Comme l’instrument de la raison n’a jamais conduit à une erreur, il faut en conclure qu’il est bon et qu’on peut s’y lier. Une balance se vérifie par elle-même, quand, en variant les pesées, elle donne des résultats constants. » Le même truisme se retrouve dans un très récent discours de M. Renan : « Les objections contre la légitimité même des facultés rationnelles de l’esprit ne m’ont jamais beaucoup touché, je l’avoue. La science est un ensemble dont toutes les parties se contrôlent : je crois absolument vrai ce qui est prouvé scientifiquement, c’est-à-dire par l’expérience rigoureusement pratiquée. » Absolument vrai ! Ainsi M. Renan escamote l’argument des sceptiques et des positivistes. Et, pour montrer aux idéalistes qu’il n’a point leurs préjugés, il déclare ailleurs que non seulement le monde externe, mais encore les notions et vérités mathématiques seraient réelles et vraies, si même aucun esprit n’existait pour les connaître. Les catégories de la pensée sont, pour lui, dans un mystérieux accord avec les catégories de la réalité objective ; ou, plus exactement, il admet que l’esprit subit la connaissance, et ne la crée point.

Force est maintenant à M. Renan de nous expliquer objectivement l’origine, la cause et la substance de ce monde qu’il déclare réel. Et, comme l’explication est, a priori, impossible, force lui est