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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/19

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L’ART WAGNÉRIEN

cherche derrière lui la cause terrifiante des fantômes ; et c’est encore les fantômes qu’il aperçoit derrière lui. Alors enfin il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se reconnaît la seule Cause. Ce qui l’effrayait tant autour de lui, ce n’était rien que l’ombre de lui. Il achève de secouer ses chaînes ; il est libre ; et le prisonnier de la caverne devient le « Mage divin ».

Le Mage a compris son pouvoir : il l’emploie. L’incohérence des fantômes, la diversité des intérêts et des actes, naguère, l’angoissait. Mais ce n’était rien que la résistance du Néant à l’Idée créatrice : et le Mage la brise. Il renonce à l’égoïsme, comme à une limite cruelle, et que lui-même, sans nécessité, s’était imposée. Il va maintenant mettre en ses œuvres l’Unité, ayant acquis le charme de la Vraie Science. Il va purifier son âme, la mêler à ce non-moi, qui est son àme encore. Il laissera vivre les cygnes dans les grands lacs : se blesser, n’est-ce point souffrir ? Il guérira le malade Amfortas : se guérir, n’est-ce point jouir ? Et par la compassion sur le monde — donc sur lui-même — il donnera pleinement à sa création l’harmonie, qui finira toute souffrance. Et le Mage divin sera Parsifal : et le Graal trois fois saint, par lui regagné, sera la bienheureuse joie de l’action, l’Apparence enfin recréée.

Mais le Mage divin fera plus. Il peut toute chose, et cherche, sans arrêt, l’agrandissement de soimême. Il renoncera au monde des apparences actuelles, même revêtues de l’unité parfaite. Il changera son habitude de créer : et, au-dessus de