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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/20

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NOS MAÎTRES

l’univers présent, il bâtira un nouvel univers : jouissant ainsi plus complètement, puisqu’il se connaîtra, en pleine conscience, l’unique auteur de cet univers. Et ce sera l’artiste, « l’extraordinaire ménétrier qui retient et gouverne la danse idéale des choses, et reste sous elles, ferme et fier, tout entier, dans la complète science de son pouvoir complet ». Et le Mage sera Beethoven, « éclairant son tableau de l’Apparence à la lumière intérieure de son Univers, univers profond où gît l’Être réel des choses » ; Beethoven « créant, librement, au seul gré de sa toute-puissante fantaisie, les forêts et les couples, et l’immense océan des passions humaines » ; Beethoven « pénétré d’un indicible contentement à la vue de sa toute-puissance, souriant à l’Illusion qu’il a créée, reprenant, — mais pour se jouer, en charmeur, avec elle — toute la souffrance des hommes et des choses ». Il est Beethoven, et le Vinci, et Racine, et Tolstoï, il les est, le Mage divin.

Fichte, sinon Schopenhauer ? dira-t-on. — Nullement. Le Moi créateur est le moi réel, individuel, personnel, et non le noumène absolu du grand poète kantien. Non pas Fichte, mais Platon, identifiant le νους ; à l’Idée créatrice. Mais mieux encore : la vérité même, simple, évidente, inévitable, excellente.

Ainsi Wagner, partant de Schopenhauer, s’élève, par sa seule réflexion d’artiste, à un optimisme