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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/192

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NOS MAÎTRES

le Néant. Il avait compris que l’univers est un jeu de notre âme, seule réelle, supérieure aux questions d’origine et de cause, comme au temps lui-même. Il avait vu que le temps est le grand facteur de l’apparence ; mais que le grand facteur de la réalité est l’Idée, Dieu, notre Ame. Et la Science, ainsi détachée de la Réalité, lui avait paru une fantaisie utile, un effort à coordonner, à refaire plus réelles, les vaines ombres qui s’agitent pour nous décevoir, sur les murs de notre caverne.


IV

M. Renan, cependant, se rattache davantage à Platon qu’à tout autre philosophe. Il a écrit des dialogues moins sceptiques et moins dogmatiques ; il a tenté une métaphysique, hélas ! moins sage ; mais il a résolu de la même manière le second des problèmes que soulève l’évolution ; et la partie politique des Dialogues philosophiques n’est pas inférieure aux extraordinaires dialogues du poète athénien sur la République et les Lois.

L’Univers est une machine en mouvement, et son mouvement est un développement, c’est-à-dire un progrès. Ce progrès ne se doit pas arrêter : quel sera son résultat prochain ? C’est à cette question que doivent répondre les sciences politiques.

La solution que lui donne M. Renan est vraiment excellente. Seul de tous les penseurs contemporains, il a essayé une politique scientifique, appuyée sur des certitudes positives. Et il a vu que