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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/211

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RENAN ET TAINE

forte de choisir l’un des trois, comme le seul authentique.

Le choix, malheureusement, est assez malaisé. On ne saurait songer, en tout cas, à le fonder sur des raisons positives et d’ordre historique ; car on s’aperçoit aussitôt que M. Taine a consulté toutes les pièces qui concernaient Napoléon, que M. Lévy les a consultées aussi, et aussi M. Masson. Tous trois, ils ont lu tout ce qu’on pouvait lire : et non seulement cela ne les a pas empêchés d’arriver à des conclusions absolument différentes, mais encore il n’y a pas un fait un peu important qu’ils se soient représenté de la même manière.

Voici par exemple, les amours de Napoléon : M. Lévy et M. Masson nous en parlent tous deux, et tous deux avec l’intention formelle de nous y montrer Napoléon à son avantage. Or. sur chacun des épisodes des amours de Napoléon, leurs deux versions diffèrent complètement. Pour M. Masson, c’est Napoléon qui s’est le premier fatigué de son commerce tendre avec sa petite belle-sœur, Désirée Clary ; pour M. Lévy, c’est Désirée Clary qui, une fois pour toutes, a signifié à son amoureux qu’elle ne l’aimait pas. M. Masson nous raconte comment Napoléon, après Vendémiaire, reçut la visite d’Eugène Beauharnais, qui, sous prétexte de lui demander l’épée de son père, venait simplement l’attirer chez Joséphine. À en croire M. Lévy, cette visite d’Eugène serait « une fable ridicule » ; et M. Lévy ajoute que Joséphine demeurait alors rue de l’Université, et que c’est Napoléon qui l’a installée, un an plus tard, dans cet hôtel de la rue Chantcreine, où