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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/278

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NOS MAÎTRES

et cette lumière indéfinissables qui nous permettent de prendre plaisir à de plus médiocres ouvrages d’autrefois. Et il ne s’agit point de santé ni de maladie morales : Michel-Ange, Mozart, Jean-Jacques Rousseau, étaient d’âme plus malade que, Dieu merci ! personne d’entre nous ; mais avec leur maladie ils avaient leur métier, leurs traditions de style, le désir de contenter leur clientèle, tandis que les artistes d’aujourd’hui ne chercheraient qu’à étonner la leur, à supposer qu’ils en eussent encore une.


C’est là une situation bien fâcheuse. Mais je crois que chacun, plus ou moins, est en train d’en prendre conscience et de s’en affliger. Et j’espère que de jour en jour on en prendra conscience et on s’en aflligera davantage, si bien que l’on finira par admettre l’unique remède capable, à mon avis, de ressusciter notre littérature.

Ce remède, c’est le retour aux traditions d’autrefois, et notamment à la plus importante de toutes, qui est l’imitation d’un modèle déterminé.

Le choix d’un modèle ne coûtait guère aux artistes anciens : ils imitaient leurs maîtres, leurs prédécesseurs immédiats. Mais nous n’avons plus de prédécesseurs immédiats, ou, du moins, nous avons coupé le fil qui aurait dû nous rattacher à eux. Comment imiter M. Pierre quand M. Paul fait, au même moment, tout le contraire de ce qu’il fait ? Comment, surtout, imiter des artistes