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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/279

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QUESTIONS D’ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE

qui prétendent s’être affranchis de toute imitation, et qui ne valent, en effet, que par leur excentricité ?

Mais il nous reste la ressource de nous choisir, parmi les œuvres anciennes, telle ou telle œuvre qui nous plaît, que nous comprenons, où nous trouvons un style, des idées, des sentiments semblables à ceux que nous croyons sentir en nous-mêmes. Choisissons-la avec mille précautions, et, quand nous l’aurons choisie, essayons de l’imiter.

Nous y aurons d’abord plus de peine qu’à produire une œuvre soi-disant originale ; mais, pour peu qu’il y ait de véritable originalité en nous, l’œuvre d’imitation que nous produirons ainsi aura une valeur littéraire infiniment plus sûre et plus haute. Car nos qualités personnelles s’y montreront pour ainsi dire enchâssées dans un écrin d’or, oii chacun pourra les reconnaître et tout de suite les aimer.

J’avoue que, parmi tous les livres de ces dernières années, aucun ne m’a apporté un plaisir aussi parfait que les Contes à la Reine de M. Robert de Bonnières, et la Rôtisserie de la Reine Pedauque. de M. Anatole France. Ni l’un ni l’autre ne sont, en vérité, des imitations, car M. de Bonnières et M. France sont des maîtres, et n’ont besoin d’imiter personne. Mais tous deux ils se sont amusés à renouveler pour nous, dans ces beaux livres, des mœurs, des caractères, des façons de sentir et des façons de parler d’autrefois : et jamais leurs âmes d’artistes ne s’étaient laissé voir si pleinement,