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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/31

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L’ART WAGNÉRIEN

Puis ce fut avec Mantegna, Dürer, Raphaël et les Vénitiens, un ressaut du réalisme. Le corps humain, naguère ignoré, avait apparu ; et ces peintres traduisaient la vision éblouie qu’ils en avaient reçue. Des réalistes merveilleux, ce furent aussi les peintres flamands, depuis Jean van Eyck et tous ces maîtres de Bruges qu’on a aujourd’hui la manie de vouloir prendre pour des mystiques, jusqu’à cet extraordinaire dominateur de la vie sensible, Hals, le type le plus parfait du peintre réaliste.

Et le grand Velasquez fut, de son côté, un réaliste scrupuleux, ayant seulement une autre âme, d’autres yeux, d’où il tirait d’autres visions. Plus tard, David recréa la vivante face humaine ; et puis vinrent ces résurrecteurs des arbres et de la plaine, Constable, Rousseau, Daubigny, Chintreuil.

Après eux, la vision de la réalité s’affma. Des maîtres singuliers, aux yeux doués d’une sensibilité presque maladive, habituèrent les artistes à voir les choses dans l’air qui les baignait. Dès lors le vocabulaire de la peinture fut modifié ; des signes nouveaux s’y introduisirent, qui créèrent à leur ton des sensations nouvelles.

Cependant l’art des notions s’était constitué : la littérature. Et ce fut enhn l’art des émotions, la musique. Wagner, après Beethoven, l’exerça dans la maîtrise de son fort génie.

Mais il comprit que désormais la musique, aussi bien que les autres arts, n’avait plus la possibilité d’exister isolément ; et il réunit, pour la production d’une vie totale, les trois formes séparées de l’art.