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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/32

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NOS MAÎTRES

II

La Peinture, la Littérature, la Musique, suggèrent seulement un mode de la vie. Or, la vie est dans l’union intime de ses trois modes. Aux peintres bientôt, comme aux littérateurs, leur art dut paraître insuffisant pour créer toute la vie qu’ils concevaient. Aussi voulurent-ils, dès longtemps, élargir les attributions de leur art, l’employer à reconstituer des formes différentes de la vie. Les littérateurs, par exemple, aperçurent que les mots, en plus de leur signification notionnelle précise, avaient revêtu pour l’oreille des sonorités spéciales, et que les syllabes étaient devenues des sonorités musicales, et aussi les rythmes de la phrase. Alors ils tentèrent un art nouveau, la poésie. Ils employèrent les mots non plus pour leur valeur notionnelle, mais comme des syllabes sonores, évoquant dans l’âme l’émotion, par le moyen d’alliances harmoniques.

Le même besoin de traduire, par les procédés de leur art, la vie de l’émotion, ce besoin a très tôt poussé les peintres à sortir des limites de la reproduction toute réaliste de leurs sensations.

Et une nouvelle peinture fut par eux tentée, que rendit possible un heureux concours de circonstances naturelles. C’est que les couleurs et les lignes, sous l’influence de l’habitude, avaient, elles aussi, comme les mots, revêtu pour les âmes une valeur émotionnelle indépendante des objets même