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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/333

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LA RELIGION DE L’AMOUR ET DE LA BEAUTÉ

çois, de jour en jour, l’aima plus vivement, non point par folie, non pas même par ambition d’imiter Jésus, mais parce qu’il avait compris, lui aussi, qu’elle seule offrait à ses amants des plaisirs éternels.

Toute la vie de saint François n’a eu ainsi qu’un but : la recherche du bonheur. Personne jamais n’a tant haï la tristesse : elle était pour lui le mal babylonien, une invention diabolique. Il ne pouvait la voir autour de lui sans en être choqué, comme d’une plaie qui eût dégoûté ses yeux. Et c’est pour fuir la tristesse qu’il a aimé la pauvreté. Il a repris, à douze siècles d’intervalle, l’œuvre divine de Jésus, il a voulu tirer les hommes des mains de la souffrance et de l’inquiétude pour les conduire à l’unique refuge où les attendait le repos.

Et la pauvreté qu’il aimait était bien celle qu’avait aimée Jésus ; c’était la pauvreté du corps et de l’esprit, le complet abandon de toutes ces apparences mensongères, de ces cruels et vains mirages qui, au temps de Jésus comme dans son temps, comme dans le nôtre, empêchent l’homme de goûter la douceur, le charme, la tranquille beauté de la vie.


Aussi saint François n’a-t-il pas cessé de livrer bataille aux deux ennemis de la pauvreté : la propriété et l’intelligence. Il les considérait comme les deux causes de toute tristesse. Avec son indulgence sublime, il y avait deux choses seulement qu’il défendait à ses frères : de rien posséder, et de rien apprendre. La propriété lui paraissait un