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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/336

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NOS MAÎTRES

homme n’ayant trouvé le loisir de remarquer sa beauté.

Voici pourtant qu’un homme l’a remarquée de nouveau. Noble et riche comme jadis saint François, comme lui il a voulu devenir pauvre ; renonçant à être prince, il s’est fait cordonnier. Il a nourri des milliers de paysans affamés. Et nul doute qu’il eût poussé plus loin l’imitation de saint François, si les personnes de son entourage n’avaient réussi à lui interdire toute action.

Du moins le comte Tolsoï, comme jadis saint François, a essayé d’enseigner aux hommes l’unique chemin du bonheur. J’ai été frappé, en lisant le livre de M. Sabatier, de tant de ressemblances que j’y découvrais entre la doctrine du saint et celle de Tolstoï. Abandon de toute propriété, haine de l’argent, retour à l’absolue pauvreté de corps et d’esprit, indifférence pour les lois civiles, oubli de soi-même dans la charité et l’amour : ce sont les principes essentiels de la morale franciscaine et de la morale de Tolstoï. Et rien, dans toutes les littératures, ne ressemble autant aux Fioretti que ces contes chrétiens de Tolstoï : De quoi vivent les hommes, Ivan l’Imbécile, Les Deux Vieillards, incomparables chefsd’omvre de simplicité et de poésie, petites fleurs champêtres dont je ne me lasse point de respirer le délicat parfum[1].

  1. Cette singulière ressemblance de la doctrine de saint François et de la doctrine de Tolstoï vient précisément d’être signalée par un médecin, le Dr Bournet, dans un livre très