On m’avait toujours répété que la poésie était un art de jeunesse. « Ah ! me disait-on, hâtez-vous d’aimer les poètes, hâtez-vous d’être poète, car les années courent vite, et chacune vous éloignera de la source enchantée ! » On m’avait dit cela si souvent que j’aais fini par le croire. D’être poète, en vérité, je ne me hâtais pas : à propos d’une composition en vers latins sur Milon de Crotone et son fameux accident, mon professeur. M. Merlet, m’avait certifié que « le feu sacré me manquait » ; et je savais que, faute de ce feu, l’exercice de la poésie n’eût été pour moi qu’une fatigue inutile. Mais comme je me hâtais, au moins, d’aimer, d’adorer les poètes ! J’y ai perdu mon adolescence. J’y ai perdu notamment, maintes heures d’étude que j’aurais dû employer à me gagner des diplômes, et maintes heures de récréation, où j’aurais mieux fait de jouer à saute-mouton avec mes camarades. Pour suivre les poètes j’avais tout sacrifié. Je vous en prends à témoins, innombrable légion de mes