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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/348

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NOS MAÎTRES

un petit poème en prose qu’il vient de publier, Léda, ou la Louange des Bienheureuses Ténèbres. Peut-être M. Pierre Loüys a-t-il voulu transporter dans sa prose les magnifiques vertus des sonnets de M. de Hérédia : je les y ai, en tous cas, retrouvées, la richesse des images et leur simplicité, et la fermeté élégante du rythme, et puis ce bel air de noblesse pour ainsi dire antique, où l’on n’arrive point sans de patients efforts et de longs échecs.

Mais il y a, en outre, dans le poème de M. Loüys, une singulière douceur un peu féminine, et des grâces attendries, que la scrupuleuse pureté de la forme fait paraître plus tendres encore. Il y a même des idées ; et ceux que le charme de la poésie ne suffit pas à charmer pourront, s’il leur plaît, considérer cette Léda comme une dissertation de philosophie. Mais c’est du moins une dissertation bien écrite, ce qui n’est guère commun par le temps qui court. Et voici des phrases qu’on ne peut manquer d’aimer, de quelque façon qu’on les lise :

« Il disait : tu es la nuit, et tu as aimé le symbole de tout ce qui est lumière et gloire, et tu t’es unie à lui.

« Du symbole est né le symbole, et du symbole naîtra la beauté. Elle est dans l’œuf bleu qui est sorti de toi. Depuis le commencement du monde, on sait qu’elle s’appellera Hélène ; et celui qui sera le dernier homme connaîtra qu’elle a existé.

« Tu as été pleine d’amour parce que tu as tout ignoré. C’est à la louange des bienheureuses ténèbres. »