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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/45

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L’ART WAGNÉRIEN

Et, comme le sens du réel et du possible va toujours s’affinant. Tart doit bientôt renoncer encore à la création de faits simplement rares : après les actions miraculeuses, les aventures même deviennent incapables d’une récréation artistique. La littérature, dans son effort essentiel à créer une vie plus vivace, marche sans cesse vers l’analyse complète et minutieuse des faits les plus ordinaires.

3o Une autre loi encore de l’évolution artistique, c’est l’atténuation progressive — entre l’âme de l’artiste créant la vie et lame de ceux qui la recréent — latténuation de tout intermédiaire. Nous avons besoin, pour concevoir réelle la vie de l’art, qu’entre elle et nous rien ne se place appartenant à une réalité différente. Et de là vient que les signes, peu à peu, tendent à se simplifier, en même temps que se compliquent les notions. Ainsi la première littérature fut le récit : un homme narrait quelque histoire. Puis, un jour, les âmes voulurent n’être plus séparées de l’histoire par ce narrateur : l’histoire fut présentée devant eux, agie par des hommes vivants, sur un théâtre. Et puis le théâtre même fut impuissant à produire l’illusion de la vie. Des acteurs, hommes d’une réalité, jouant les rôles d’une réalité différente, c’était encore un intermédiaire trop matériel, empêchant l’entière vie idéale. Et l’esprit eut encore besoin d’un intermédiaire, d’un signe, moins ressemblant aux choses signifiées, plus capable d’être pris uniquement pour un signe, en dehors de sa réalité propre. Alors la littérature devint écrite : des lettres, peu nombreuses, vite négligées dans leurs valeurs linéaires,